
Tête de rame : portrait n°5
A la rencontre d’inconnus, croisés dans les transports en commun, et croqués dans leur quotidien de voyageurs du matin et du soir, avec une petite touche d’imagination en plus. Petites capsules temporelles, reflets de notre temps.
70 ans. Visage buriné, rides qui éclairent des yeux perçants. L’énergie qui quitte son corps subsiste dans son regard. Une force à voyager immobile. Il donne l’impression d’un homme habitué des grands espaces égaré dans un train de banlieue. Ses jambes trahissent son impatience, ses Geox marinées aux ponts des bateaux semblent vouloir descendre sans l’attendre. Il est pourtant impeccablement coiffé, cheveux argentés ramenés en arrière. Pas vraiment l’image qu’on se fait d’une coiffure sculptée aux embruns. Mains calleuses. Elles serrent un objet dans un petit sac plastique. Que protègent-elles avec tant d’attention ? Le pouce de sa main gauche est entouré d’un pansement. J’aime à imaginer qu’il s’est blessé en mer lors d’un empannage. Et ça me fait sourire. Sourire de penser qu’il s’agit plus sûrement d’un Parisien pur sucre pour lequel le périphérique est le Penn-ar-Bed, la fin de la terre. Et que ce sont les sardines en boîte qu’il a mangées ce midi qui lui ont ouvert le pouce.